Por Maya Elnesr |
CRÍTICA URBANA N.30 |
La lecture sensible de la présence de l’enfant dans l’espace public nous permet de comprendre comment les enfants jouent partout où cela est possible et souvent là où on ne s’y attend pas. Le jeu est un processus continu qui se produit à tout moment et dans n’importe quel espace.
En effet, les enfants expérimentent leur environnement physique par le jeu actif libre. Ils différencient les attributs et les significations offertes par l’environnement au travers du jeu libre. D’ailleurs, le jeu relève d’une coproduction. Il est le résultat d’un échange entre les individus et les règles sociales qu’ils se donnent. Le jeu constitue à la fois une activité individuelle (je joue à mon jeu) tout en étant empreint des valeurs et des codes propres d’une société donnée (je joue avec les règles socioculturelles apprises). Pour autant, dans ce temps du jeu, l’enfant adapte les règles à ses propres besoins.
Les jeux dans le développement de l’enfant
Catherine Garvey[1] a défini le jeu comme étant « un comportement choisi librement, dirigé personnellement et intrinsèquement motivé ». Les enfants perçoivent ainsi le contenu de leurs jeux en fonction de leurs propres idées et intérêts et le jeu leur permet d’explorer et de comprendre le monde qui les entoure. Le jeu actif est un outil important pour assurer le développement global des enfants au niveau physique, social, émotionnel, et cognitif.
Les recherches distinguent dès lors entre deux types de jeux: le jeu cognitif et celui social. Les jeux cognitifs prennent plusieurs formes: le jeu fonctionnel, le jeu constructif, le jeu exploratoire, le jeu dramatique, le jeu avec des règles et enfin, le comportement sans jeu, c’est-à-dire quand l’enfant ne fait rien. Quant au jeu social, il peut être sous forme de jeu solitaire, parallèle ou en groupe. Chaque type de jeu stimule certains aspects du développement des enfants. Le jeu fonctionnel favorise ainsi leur développement physique, le jeu constructif et le jeu dramatique maintiennent leur développement cognitif, tandis que le jeu en groupe et les jeux avec des règles stimulent leur développement social. Dorénavant, il peut exister une grande variabilité dans les capacités des enfants et dans leurs niveaux de développement en fonction de leurs groupes d’âges ainsi que le contexte culturel et les situations auxquelles ils font face. Dans ce cadre, les enfants « d’âge moyen » accordent un intérêt particulier à la découverte de l’environnement qui les entoure. Ce sont des enfants entre 5 et 12 ans qui atteignent le stade des opérations concrètes, dans le sens où ils sont désormais capables d’utiliser des opérations mentales pour résoudre des problèmes réels.
Réduction des possibles pour le jeu en extérieur
De nombreuses recherches ont étudié l’importance du jeu – notamment le jeu en extérieur – pour favoriser le bien-être des enfants. Dans cette perspective, le jeu est susceptible d’augmenter le niveau d’activité physique chez l’enfant et lui apprend à respecter l’environnement naturel. Néanmoins, la libre présence des enfants dans l’espace public urbain et la possibilité qu’ils jouent à l’extérieur tendent à se restreindre. Au cours des dernières décennies, la présence des enfants dans les espaces communautaires locaux, comme les rues vivantes, les quartiers et les espaces publics, semble être limitée d’une façon drastique. Ainsi, les enfants se trouvent dans leur seule dimension fragile dans des espaces bien déterminés par les adultes et des aires de jeux séparées. Il faut savoir que même si certaines études mettent en valeur les avantages du jeu dans les communautés locales et les environnements naturels, les enfants n’ont pas toujours l’opportunité de jouer en plein air en raison des attitudes peu accueillantes à leur égard. De plus, le jeu est codifié par les adultes qui imposent aux enfants de jouer dans des lieux protégés et surveillé. L’exercice de jouer à l’extérieur est ainsi en recul dû à un cumul de facteurs auxquels les enfants font face. À titre d’exemple, mentionnons l’emploi du temps chargé des enfants, la surveillance des adultes et l’augmentation des activités structurées imposées par ces adultes. De plus, il n’existe pas autant d’environnement permettant aux enfants de pratiquer différents types de jeux ; ils ont plutôt accès à des jeux de type standardisé. Le jeu libre extérieur, droit fondamental de l’enfant, est devenu marginalisé, voir un « luxe inabordable», selon l’expression de David Elkind[2].
L’histoire de la présence des enfants dans la ville et leurs endroits de jeu préférés, notamment les rues, les quartiers résidentiels et les espaces publics ludiques, est au centre de nos intérêts. En effet, comme Lauren Lacey[3] a discuté, c’est dans les rues et les quartiers résidentiels que le jeu libre autodirigé a vu le jour. Les études socio-urbaines ont montré que les rues résidentielles sont des espaces plus attrayants pour les enfants grâce à leurs diversités et complexités qui offrent un large éventail de thèmes de jeu. Or, le mouvement urbain moderne, notamment le fonctionnalisme urbain et ses crises, ont changé les règles du jeu avec l’augmentation du trafic routier et la montée des enjeux environnementaux.
Remettre le piéton au centre de la réflexion urbaine
C’est pourquoi il y a une forte volonté de remettre le piéton au centre des projets d’aménagement. Dans les villes modernes, l’environnement de jeu a connu un changement majeur par rapport aux générations précédentes. Les espaces urbains récréatifs publics sont devenus ainsi une deuxième aire de jeu nécessitant la mise en place des mesures d’apaisement de la circulation afin de redonner une place aux enfants pour jouer. L’importance de l’espace public quotidien en tant que site valable pour les jeux informels des enfants et en tant que dimension de leur bien-être n’est plus à démontrer. Ainsi, jouer dans les espaces publics est important pour les enfants afin de maintenir un sentiment d’appartenance à la communauté. Le jeu des enfants dans les espaces publics contribue à la construction de leurs réseaux sociaux, puisqu’ils ont l’opportunité d’interagir les uns avec les autres. Ken Worpole et Katharine Knox[iv] ont précisé que l’importance des espaces publics revient surtout à leur capacité de créer les opportunités de socialisation et le développement de liens communautaires. Ces espaces permettent aux enfants de nouer des amitiés et d’apprendre les règles de la vie sociale.
Vers une écologie des mouvements enfantins
La saisie des représentations et des usages des espaces publics par les enfants nous permet de comprendre que, contrairement aux adultes, les enfants ont leur propre manière de percevoir, de vivre et de comprendre ces espaces. A cet égard, Marc Breviglieri[5] a souligné qu’adopter une approche écologique sensible permet d’associer l’ambiance, les configurations spatiales, le corps des enfants dans l’espace, leurs mouvements et leurs perceptions, aux caractéristiques physiques de l’environnement entourant. Dès lors, il est intéressant d’étudier pourquoi les enfants préfèrent certains lieux dans les villes et comment établissent-ils des liens avec les lieux de jeu. Il faut savoir que relativement peu d’études se sont intéressées à l’analyse des expériences vécues par les enfants dans leurs espaces urbains communautaires quotidiens, là où ils peuvent jouer activement et librement.
Ce cadre a pour objet de clarifier les écarts de perception et de représentation entre celles qui appartiennent au concepteur de l’environnement urbain et celles qui appartiennent à l’enfant dans son expérience physique et culturelle de l’espace. Il est possible d’extraire des thèmes capables de renouveler certaines orientations de la fabrique de la ville. Ces thèmes convergent pour repenser à la fois la place de l’enfant dans la ville, et la manière dont celle-ci peut générer des environnements intergénérationnels favorisant le bien-être des citadins.
« Une ville où l’enfant serait le prince et le père de l’homme »
(Emile Aillaud[6])
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Notas
[1] Catherine Garvey, Play, Cambridge, Harvard University Press, 1990.
[2] David Elkind, “The Power of play: Learning what comes naturally”, American Journal of Play, vol1/no. 1, 2008, pp.1–6.
[3] Lauren Lacey, “Street play – A literature review”, Play day.org.uk, 2007.
[4] Ken Worpole and Katharine Knox, The Social Value of Public Spaces, York, Joseph Rowntree Foundation, 2007.
[5] Marc Breviglieri, “La vie publique de l’enfant”. Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté, vol.2, pp.97-123, 2014.
[6] Emile Aillaud, La grande borne à Grigny, Paris, Hachette, 1972.
Note sur l’auteur
Maya Elnesr est doctorante en urbanisme et architecture, au Laboratoire CRESSON, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, ENSAG, Grenoble, France, sous la direction de Marc Breviglieri et de Noha Gamal Said. Titre de la thèse: The impact of residential and recreational urban spaces design on children’s play behavior. Cairo and Paris compared.
Para citar este artículo:
Maya Elnesr. La conception des espaces urbains quotidiens à travers le comportement de jeu des enfants. Crítica Urbana. Revista de Estudios Urbanos y Territoriales Vol.6 núm. 30 Ciudades, infancias y juegos. A Coruña: Crítica Urbana, diciembre 2023.