Avec des habitantes de Sevran et de Marseille
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Par Wilma Lèvy et Sarah Champion-Schreiber |
CRÍTICA URBANA N.11
Par la Compagnie des Passages et le Théâtre de l’Oeuvre à Marseille.
Création mise en scène par Wilma Lévy (Compagnie des Passages), et Sarah Champion-Schreiber (Théâtre de l’Oeuvre).
Le projet est une création théâtrale participative qui aborde les questions d’égalité et de droits à la Ville pour toutes et tous.
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Au travers d’ateliers de création, il est proposé à des femmes de Marseille et des femmes de Sevran de s’emparer de la question du rapport à la ville, à leur quartier, à l’espace public, aux rénovations urbaines: questionner / repenser / revendiquer / inventer / imaginer de nouveaux usages… dans la ville et plus largement dans leur rapport à la société et au monde.
Les problématiques autour de la ville sont questionnées par la Compagnie des passages depuis 2012, au travers de trois projets: Ligne 70, la ligne de bus qui relie le centre-ville de Marseille, et dont le terminus est le lycée Saint Exupéry, aux quartiers nord de la ville; Du nord au sud, et réciproquement, qui a permis à un groupe de lycéens des quartiers nord ( du Lycée Saint Exupéry) et à un groupe de lycéens des quartiers sud ( le lycée Marseilleveyre) de s’interroger ensemble sur leur rapport à la ville, notamment au regard des différences sociologiques majoritairement représentés dans ces quartiers, pour aboutir ensemble à une représentation qui mêlait géographie, danse et théâtre; et, enfin, la dernière création de la compagnie qui s’appuie sur les différentes interviews qui ont été menées auprès des lycéens et qui s’inscrit dans la forme du théâtre documentaire : Du nord au sud, récit d’une expérience.
Le Théâtre de l’Oeuvre est un théâtre situé au centre-ville de Marseille, dans le 1er arrondissement, dans le quartier de Belsunce, plutôt populaire mais non dénué encore de mixité sociale, même si des tentatives nombreuses de gentrification sont en cours. Ce théâtre a construit son identité en lien avec cette population, et de nombreuses créations participatives y sont proposées.
Pour la création, nous avons également proposé à des femmes habitantes des quartiers nord de Marseille de nous rejoindre; c’est un groupe de 30 femmes aux origines sociales et culturelles variées qui seront sur scène lors des représentations.
La question de la ville et de l’espace public dont la définition est un espace libre, gratuit et ouvert à toutes et tous est une question qui ne va pas de soi. Pourtant il ne semble plus nécessaire de démontrer que la ville est plutôt un espace construit par les hommes et pour les hommes, et que la ville en elle-même peut être vécue comme un espace de domination.
La question de la ville et de l’espace public dont la définition est un espace libre, gratuit et ouvert à toutes et tous est une question qui ne va pas de soi. Pourtant il ne semble plus nécessaire de démontrer que la ville est plutôt un espace construit par les hommes et pour les hommes, et que la ville en elle-même peut être vécue comme un espace de domination.
Pour bon nombre d’entre elles, la place des femmes dans l’espace public ne se posait pas. Quelque chose était admis dans le fonctionnement de la ville. Un temps très long (plusieurs semaines) a été dédié à ce que justement elles s’emparent de cette question, et que leur regard s’aiguise. La manière dont on s’empare de la ville, et les problèmes qu’on y vit sont également fortement liés au lieu où l’on vit, à notre âge, à notre éducation, à une conscience politisée.
Les échanges entre ces femmes, la mixité du groupe a révélé nos différents rapports à la ville et à ses usages et ont ouvert de nouvelles perceptions. Finalement, elles en sont venues à se dire que nous devons prendre notre place dans la ville, le jour, la nuit, que la peur est sans doute une construction sociale et mentale et aussi de manière plus large qu’il fallait s’autoriser à prendre la parole dans le cadre de revendications citoyennes, de réhabilitation des quartiers, et de rénovation urbaine. Des réflexions plus intimes sont également apparues, car qui dit espace public, induit l’assignation à l’espace privé et à la charge que les femmes intériorise.
Aujourd’hui à un mois de la première présentation de ce travail, qui aura lieu à Sevran, nous avons devant nous un groupe de femmes déterminées, absolument convaincues qu’elles peuvent prendre la parole, et qu’elles sont des citoyennes à part entière, davantage conscientes de l’écart entre la loi et l’usage.
Le matériau du spectacle est constitué de leurs témoignages, de leurs questions, des images de leurs villes, de la présence de leurs corps à la fois dans la ville, et dans une émancipation physique traduites par la danse.
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Représentations à Sevran, le 08 mars 2020.
Représentation à Marseille au ZEF, Scène Nationale de Marseille, le 05 juin 2020.
Représentation dans le cadre de Manifesta, en septembre 2020.
Le spectacle est soutenu par la Ville de Sevran, le Théâtre de la Poudrerie (Sevran), le CGET-politique de la ville, et le fond de dotation Inpact.
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Nota sobre las autoras
Sarah Champion-Schreiber. Avec une licence d’Histoire à la Faculté de Jussieu Paris VII, elle s’est formée à la pratique théâtrale à l’Ecole Claude Mathieu à Paris. Depuis, metteuse en scène, comédienne et fondatrice du Collectif Transbordeur, elle développe des projets qui articulent pratique artistique et réflexion sociétale. Elle déploie également une dynamique de création hors les murs avec des lectures, performances, et mises en scène dans l’espace public et les cafés. A Paris, elle a co-dirigé, pendant 10 ans, joué plusieurs spectacles jeune public et tout public. Elle a également animé divers ateliers de théâtre auprès de jeunes en rupture scolaire.
Wilma Lévy, Master 2 en études théâtrales (2015) sur la question du théâtre documentaire. Elle est metteuse en scène et comédienne, formée à l’école du passage à Paris, dirigée par Niels Arestrup. C’est pour cette raison et pour ses nombreux voyages, qu’elle choisira le nom de la Compagnie des Passages, qu’elle crée en 2008. Elle a été associée à la vie de La Gare Franche, lieu de fabrique artistique au milieu des « quartiers nord » de Marseille, autant dans la construction de spectacles avec les adolescents, qu’avec les femmes du quartier. La frontière, le territoire, le déplacement, sont des sujets récurrents dans son travail.
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Para citar este artículo: Wilma Lèvy; Sarah Champion-Schreiber. Création participative. 93.13 appel d’Air.e. Crítica Urbana. Revista de Estudios Urbanos y Territoriales Vol.3 núm. 11 Mujeres y ciudad. A Coruña: Crítica Urbana, marzo 2020. |